Établir des diagnostics conjoncturels

Chaque trimestre, l’Insee élabore un diagnostic conjoncturel, à horizon de trois à six mois. Pour réaliser ces prévisions, les conjoncturistes de l’Insee mobilisent l’ensemble des statistiques de court terme publiées par l’institut, ainsi que les réponses des chefs d’entreprises aux enquêtes de conjoncture. À partir de ces enquêtes qualitatives, l’Insee calcule le climat des affaires dans les différents secteurs, ce qui permet ensuite de prévoir l’activité économique. Ces enquêtes, qui sont harmonisées au niveau européen, fournissent aussi des indications utiles sur les capacités de production. En « aval », les comptes nationaux fournissent une première estimation de l’évolution de l’activité sur un trimestre dès trente jours après la fin de celui-ci, à partir des évolutions les plus vite observables et en faisant des hypothèses sur les données moins rapidement disponibles

Témoignage

Didier BLANCHET

Directeur des études et des synthèses économiques

« L’Insee a su adapter le suivi de la conjoncture qu’il produit au contexte de crise. Nous avons recouru à des méthodes et des données nouvelles pour continuer à publier nos indicateurs traditionnels et rendre compte des évolutions rapides et de grande ampleur de l’activité économique durant l’année écoulée. Nous avons également adapté le rythme et la nature de nos publications, notamment en substituant aux Notes de conjoncture trimestrielles douze Points de conjoncture proposant des estimations en temps réel de la chute du PIB et de la consommation des ménages. »

contribution des principaux agrégats à la croissance du PIB

Comment l’Insee a rendu compte de la chute historique du PIB en 2020

La crise sanitaire et les mesures d’endiguement associées ont eu des répercussions économiques immédiates que l’Insee s’est efforcé d’éclairer en temps réel. Dès le début du premier confinement, il est apparu que la grille de lecture de l’analyse conjoncturelle serait, pour le temps de la pandémie, étroitement liée à celle de la situation sanitaire.

Lire la suite de l'article

Dans ce contexte, il a fallu tout à la fois continuer de publier les indicateurs usuels et innover rapidement pour capter au mieux les mouvements soudains et de très grande ampleur de l’activité économique.
Malgré les difficultés liées à la collecte des données en période de confinement, la quasi-totalité des indicateurs conjoncturels ont été publiés en temps et en heure sous forme d’Informations Rapides (près de 340 sur l’ensemble de l’année). Dans beaucoup de cas, la publication a été enrichie par un surcroît de commentaires et d’explications méthodologiques pour en apprécier ou en nuancer le sens. En effet, notamment pendant le premier confinement, la proportion de réponses manquantes s’est accrue dans les enquêtes auprès des entreprises, des relevés de prix ont été suspendus et la pertinence de certains concepts statistiques a été ponctuellement questionnée compte tenu de la singularité de cette période.
Comme à l’accoutumée mais avec encore plus d’agilité pour adapter leurs méthodes, les comptes nationaux ont effectué la synthèse des différents indicateurs pour rendre compte chaque trimestre de l’évolution de la situation économique, dans toutes ses dimensions : consommation bridée, production en partie arrêtée car mise sous « cloche », commerce extérieur très affecté, pouvoir d’achat globalement préservé, etc.
En amont, l’Insee a bouleversé la nature et la fréquence de ses Notes de conjoncture. Aux exercices de prévision à court terme publiés normalement quatre fois par an, ont été substituées des estimations en temps réel de la chute du PIB et de la consommation des ménages (voir Cahier spécial Covid-19), mobilisant de nouvelles sources de données (transactions par carte bancaire CB, données de caisse d’enseignes de la grande distribution, etc.). Au total, douze Points de conjoncture ont été publiés dans l’année : en particulier, le premier exercice publié dans l’urgence dès le 26 mars 2020 indiquait que le PIB avait chuté de l’ordre d’un tiers – une estimation finalement proche de ce qui a été mesuré ensuite dans les comptes nationaux. 

Retour en images, le point de conjoncture du 17 juin 2020

« Il y a tout juste trois mois, le 17 mars, une large partie de l’économie française était volontaire mise à l’arrêt pour tenter de juguler la pandémie… », Julien Pouget, Chef du département de la conjoncture

La crise au niveau macroéconomique : quelques chiffres-clés sur l’année 2020

crise macroeconomique 2020

Pendant la crise, une baisse du chômage en « trompe-l’oeil »

Le marché du travail a été fortement affecté par la crise sanitaire. Au cours de l’année 2020, le taux de chômage a nettement baissé au deuxième trimestre (7,1 %) avant de rebondir au troisième (9,1 %) pour finalement s’établir à 8 % au quatrième trimestre, légèrement au-dessous de son niveau d’avant-crise (8,1 % au quatrième trimestre 2019). Mais cette baisse sur l’année est pour partie «&nbsp en trompe-l’œil ».

Lire la suite de l'article

En raison des restrictions d’activité liées au deuxième confinement, entre le 30 octobre et le 15 décembre, de nombreuses personnes sans emploi ont en effet basculé vers l’inactivité, notamment faute de pouvoir réaliser des recherches actives d’emploi dans les conditions habituelles. Le taux de chômage est un indicateur incontournable mais il ne peut mettre au jour à lui seul l’ensemble des interactions sur le marché du travail, parfois complexes et évolutives. C’est pour cela que, depuis de longues années déjà, la statistique publique s’attache à proposer un faisceau d’indicateurs complémentaires. En 2020, les contraintes qui pèsent sur l’offre de travail ont davantage été mises en avant dans les publications. L’indicateur qui les traduit fait la somme des chômeurs, des personnes dans le halo autour du chômage et des personnes en sous-emploi, dont le nombre a bondi avec le dispositif d’activité partielle en 2020. Au total, au quatrième trimestre 2020, plus d’un participant au marché du travail sur cinq s’est trouvé contraint dans son offre de travail.

C’est 2,1 points de plus qu’un an auparavant mais 7,9 points au-dessous de son pic au deuxième trimestre 2020.

Combien y avait-il de chômeurs en France en 2020 ?

En 2020, l’Insee comptabilisait 2,4 millions de chômeurs alors que Pôle emploi recensait 3,8 millions de demandeurs d’emploi sans aucune activité rémunérée. Comment expliquer cet écart ?

Lire la suite de l'article

 

Une mobilisation exceptionnelle du département des comptes nationaux

Les comptables trimestriels ont réfléchi, dès les premiers jours du confinement, à la façon de publier les comptes du premier trimestre à la fin avril.

Lire la suite de l'article

Les défis ne manquaient pas. Il convenait d’abord de recenser les indicateurs qui risquaient de faire défaut, de chercher des sources alternatives et de puiser dans les travaux de nowcasting (prévision immédiate). Il fallait ensuite réfléchir aux ajustements statistiques à réaliser pour rendre compte de l’ampleur du choc économique. En effet, la méthodologie usuelle cherche plutôt à lisser les évolutions et à écarter les points aberrants. Or, dans ce contexte, amortir aurait conduit à biaiser les comptes vers le haut. De nouveaux phénomènes ont également dû être estimés et décrits : la baisse de la production des administrations publiques, le choc sur les soins hospitaliers, la mise en place du chômage partiel et des différents dispositifs d’aide, l’arrivée des masques de protection, etc. Il a aussi fallu adapter la diffusion, pour expliquer, commenter et donner les outils pour comprendre. Ce travail s’est poursuivi trimestre après trimestre, déconfinement après confinement. Une coordination avec les comptables annuels a enfin permis de réestimer les évolutions, de réajuster les méthodes et de caler les comptes trimestriels sur le nouveau compte annuel. Au total, la première esquisse de cette année atypique par les comptes trimestriels a été confirmée par un premier portrait plus détaillé, même s’il reste beaucoup à faire pour affiner le dessin et compléter le tableau.

Mesurer et prévoir en temps de crise : quelle comparaison avec la période 2008-2009 ?

Comment anticiper une crise économique, bien évaluer son ampleur une fois qu’elle a démarré, et enfin prévoir les conditions de retour à la normale ? Ces questions se posent quelle que soit l’origine de la crise. Toutefois, l’expérience de la crise de 2008-2009 a servi aux statisticiens de l’Insee, confrontés de surcroît à d’autres défis.

Lire la suite de l'article

S’agissant tout d’abord de la difficulté à prévoir le déclenchement d’une crise, si l’on peut alerter sur la montée d’un risque financier, économique ou sanitaire, il est rarement possible de prédire le moment exact où ce risque va se matérialiser. Et très difficile d’anticiper ses conséquences. De ce point de vue, malgré des facteurs déclenchant bien différents, les difficultés des économistes confrontés à la faillite de Lehman Brothers en 2008 ont été comparables à celles des épidémiologistes avec la Covid-19.

Pour mesurer l’intensité de la crise et prévoir le retour à la normale, la crise actuelle se distingue en revanche nettement de celle de 2008-2009, en particulier parce que les enquêtes classiques ont été très perturbées. L’Insee a donc innové en conséquence. En 2008-2009, des prévisions avaient continué à être proposées tous les trois mois selon le calendrier habituel des Notes de conjoncture, sur la base des outils usuels de suivi de l’activité. Mais elles n’avaient révélé l’ampleur du choc que progressivement.

C’est pourquoi, au printemps 2020, l’Insee a choisi de se concentrer sur la mesure de l’activité économique instantanée, à une fréquence resserrée (une fois tous les quinze jours dans un premier temps), en complétant les habituelles enquêtes de conjoncture par des sources moins conventionnelles : transactions par carte bancaire, remontées de terrain qualitatives, etc. Cette approche a permis de rendre compte très rapidement de l’ampleur et de la soudaineté du choc, puis de suivre les rebonds et les rechutes de l’activité économique au gré de l’évolution de l’épidémie.

La déclaration sociale nominative (DSN), une nouvelle source pour l’analyse conjoncturelle

Dernière étape du traitement de la paie dans les établissements, la déclaration sociale nominative (DSN) renseigne sur la situation de chaque salarié.

Lire la suite de l'article

Les établissements du privé la transmettent chaque mois depuis 2017 à un point de dépôt unique d’où elle sera redistribuée à un ensemble d’administrations, dont l’Insee ; ceux du secteur public depuis 2020.
Dès avant la crise sanitaire, l’Insee avait prévu de placer la DSN au cœur de son dispositif de suivi statistique de l’emploi et des salaires, notamment pour établir des diagnostics conjoncturels plus rapides et précis.
De nouveaux besoins ont émergé en 2020, et une exploitation agile de la DSN a permis d’y répondre, en proposant notamment le volume de travail rémunéré. Ce nouvel indicateur, très corrélé à l’activité, éclaire directement l’intensité de la crise selon les caractéristiques des établissements (secteur fin de l’activité, lieu de travail) ou des salariés (âge, profession, etc.). Il a aussi été très utile pour remplacer des informations manquantes et nécessaires à la production des indices coût du travail ou de la production industrielle.

POUR EN SAVOIR PLUS

croix
Partagez cette page